Mon expédition en Arctique

à la moustache de la latitude 80° Nord

La genèse de mon voyage

         Dès que je l’ai prise dans les mains, cela m’a sauté aux yeux.

 

         Tout en haut, bien caché sous l’arc gradué il y a, sur la boule, une petite tache jaune, comme un papillon, avec à côté deux mots pas faciles à lire pour un petit gars de dix ans.

 

         Sur l’instant, je n’ai pas mesuré combien cette découverte allait avoir d’influence sur moi. Ce n’est que plus tard, lorsque j’ai réussi à lire ces deux mots bizarres que les choses ont changé. De la boule, en passant par le dictionnaire, je suis arrivé dans la gigantesque bibliothèque des relations de voyages des aventuriers de la planète et, notamment, le rayonnage des explorateurs du pôle nord où m’avaient conduit ces deux mots : “Spitzberg et Longyearbyen”.

          Voilà donc comment une minuscule portion de la boule, occupa une bonne tranche de ma vie d’adolescent.

          Comme nous étions inséparables, je la regardais souvent et ce jour là, alors qu’elle abandonnait sa rondeur septentrionale aux chaudes caresses de l’halogène de mon bureau, le papillon boréal étira le jaune de sa voilure dans la chaleureuse lumière et, au premier battement d’aile, mon esprit s’envola pour la millième fois.          

         J’embarquais de nouveau sur le FRAM ; dans ma cabine il y avait toujours mes vêtements polaires en peau de phoque ; le soir, à la lueur d’un bec à gaz, nous jouions aux cartes avec mon ami Fridtjof NANSEN ; nous naviguions vers le pôle nord ; nous rencontrions les peuplades autochtones ; nous chassions avec les trappeurs ; nous marchions dans la nature à la poursuite des grands mammifères pour finir, comme à chaque voyage, avec les redoutables bestioles qui fouettent en plein l’esprit engourdi, et font du réveil la tragique décapitation du désir.