Alors ! Ce manque ?

Flores :          Quatre jours, sur cette île volcanique aux chaudes soirées typiques et recouverte de fleurs méconnues, ne seront pas de trop pour me remettre de cette grande aventure.

Par hasard ou… fatalité, j’ai eu le bonheur d’échapper aux illusions que mes quarante ans de rêves avaient fait naître. De mes multiples interrogations du jour de mon départ, je n’en conserverai qu’une, celle qui me taraudait

depuis des mois, celle dont Ma Chérie et les huitres étaient exclues car c’était trop évident. Je garderai donc la plus simple de toute, celle qui dit :

« De quel manque vais-je souffrir ? »

Préalablement à la formulation de ma réponse, une précision s’impose :

L’unité de mesure utilisée en navigation est le mille qui est la distance entre deux points d’un méridien terrestre

séparés par une minute d’arc, à savoir mille huit cent cinquante-deux mètres.

 

Durant la traversée nous avons parcouru 2 129 milles, c’est à dire 3 942 kilomètres.

Pour faire simple, j’abandonne les milles et je passe aux kilomètres arrondis.

 

Donc, de Saint Martin aux Açores, nous avons parcouru 4 000 km.

 

Une formule, dont je m’abstiens du libellé, m’a permis de répondre à deux interrogations qui m’ont semblé fondamentales :

 

- à quelle distance, lorsque je suis debout sur le pont du bateau, vois-je l’horizon ?

La réponse est 6,5 km.

- à quelle distance le gros vraquier que j’ai croisé en début de voyage était-il de moi ?

La réponse est 17 km.  

 

  Durant 18 jours et tout au long des 4 000 km, mes yeux ont été - dans les meilleures conditions car les jours de brume c’était beaucoup moins - le centre d’un cercle visuel de 13 km.

Jamais de ma vie, mon regard n’a été contraint à un point de vue aussi étroit,

Jamais de ma vie, mon esprit n’a été pareillement dupé, sous raison alléguée de nature, par le bout de mon nez,

 

Jamais de ma vie, sous prétexte de contemplation, mes yeux n'ont si souvent fouillé dans l’espoir de voir,

Jamais de ma vie, je n’ai tant souffert de ne pas voir.

 

Sur un bateau, pour voir où l’on est, pour se repérer, tout n’étant qu’exercices intellectuels, je pense pouvoir, à ma question, formuler pour réponse juste que : l’unique manque qui se manifeste au milieu d’un océan c’est l’absence de repères visuels.