La navigation hauturière.

Il m’arrive néanmoins de penser, notamment le matin, pour m’intéresser à la navigation de la nuit. Fanny et Max, deux élèves de la Marine Marchande en stage de passerelle, ne sont pas avares d’explications. Contrairement à ce que je supposais, la navigation hauturière n’est pas une activité prévisionnelle. Elle consiste en la mise en œuvre d’un ensemble de moyens visant à s’adapter immédiatement aux changements de situations. De ce fait, plusieurs fois par jour, le cap change. Nous pouvons passer du 50° au 75°, à cause de l’orientation du vent, de la forme des nuages, des indications de la vacation météo de 11 heures TU, de celles portées sur les cartes mensuelles, de la direction de la houle, de la dérive, des courants et, bien sûr, tout cela sans oublier la route à suivre pour atteindre l’objectif. Parfois, les orientations prises peuvent sembler déroutantes. Cependant, après explications, force est de constater que l’observation conduit à la science de la modélisation des mouvements de la nature qui, finalement, devient prévisible.

Pour la première fois depuis le départ, à l’instant même, il y a quelque chose à voir. Un appareil sophistiqué, l’AIS, nous apprend que c’est un vraquier de 168 mètres qui navigue au 244° à la vitesse de 19 nœuds et qu’il arrivera à Honduras le 6 juin à 21 heures, heure locale. L’évènement attire presque tout le monde sur le pont. Les jumelles se braquent, les langues se délient et ce petit point devient le centre de tous les intérêts. Cinq minutes plus tard, il est englouti par l’horizon. Chacun repart alors vaquer et moi, je suis pris d’une mélancolie soudaine. Ce point n’était pas qu’un simple bateau. Pendant un instant, son apparition a eu un aspect remarquable.