une dernière baignade à Virgin Gorda avant le grand départ.

À cinq heures, la chaleur est insoutenable ; alors, je me lève. En arrivant dans le cockpit, je ne suis pas le premier. Une gamine petit-déjeune avec un grand brun super bronzé. L’odeur du café est à peine perceptible. Ce qui saute au nez, ce sont les effluves des corps, l’âcreté de leurs sudations, de leurs peaux moites et luisantes ; de la mienne aussi… une douche s’impose.

Durant le déjeuner, Poulon notifie qu’avant la grande traversée, nous irons nous baigner à Virgin Gorda. Il dit qu’en partant à quatorze heures, on y sera demain vers les huit heures du matin. Ce n’est pas loin, seulement à 86 milles au nord-ouest. Certes, ce n’est absolument pas la bonne route pour rallier Brest, mais Poulon aime bien le coin, ça ressemble à la Bretagne, vers chez lui, du côté de Plou Machin. Puis il conclut : « La liste des quarts est affichée ».

Sur le quai, quelques flâneurs regardent le bateau se déhaler lentement sur sa chaîne, tout en même temps que s’élèvent les premières voiles. Le spectacle est magnifique. Juché sur le toit de la passerelle, je regarde l’équipage s’activer. Quarante-cinq minutes seront nécessaires pour hisser les six cent cinquante mètres carrés de toiles. Nous sommes maintenant à environ trois milles de la côte. Le bateau avance bien : les dix voiles sont maintenant réglées. Cela fait une heure trente que nous avons quitté Saint Martin et, enfin, il y a de l’air qui sèche la transpiration. C’est bon et je suis heureux.

 

À vingt heures, à table. Pour la soupe, ça va ; pour les pâtes à la carbonara, c’est plus difficile ; pour le gâteau aux abricots, c’est impossible. Je quitte la table, ruisselant de transpiration, pour le pont où je reprends mes esprits et stabilise mon estomac. Je redoute d’aller me coucher. Le bateau roule d’un bord sur l’autre de plus en plus fort depuis notre départ. Il paraît qu’il y a un peu de mer. Personnellement, j’aurais mis au moins un niveau de plus à la qualification.

 

Finalement, j’ai passé une bonne nuit ; plutôt assez bonne ; enfin pas trop mauvaise. Le réveil, par contre, est plus difficile car il faut bien avaler un petit-déjeuner, très léger, pour espérer en conserver les bénéfices et ce n’est pas facile. À huit heures trente, nous mouillons dans la baie de Virgin Gorda, un minuscule îlet des îles Vierges Anglaises que je me contenterai d’observer de loin.