ma première nuit à bord...

En arrivant sur les quais, le hasard fit bien les choses car, à peine avais-je repéré la silhouette de mon oiseau, qu’un zodiac pourave arriva pilepoil à mes pieds. Un hirsute blondinet bouclé, aux joues pileuses, me lança un Salut plaisant auquel je répondis :

- Salut, moi c’est Baptiste, j’embarque lundi…

- Ah bon ! T’es sûr ? Monte, je vais te conduire voir Poulon…

Trois clapots plus tard, on est à bord face à Poulon :

- Salut Poulon, moi c’est Baptiste.

- T’es sûr ? Sur les documents des Douanes, il y a écrit Jean-Philippe…

- Blabla… Blabla… Blabla…

- Euh ! Poulon, c’est Breton ?

- Oui, oui : En breton, c’est la contraction de « À vos ordres, mon Commandant ».

Tous les torses nus aux peaux cramoisies des baroudeurs aquatiques présents lors de l’échange lancent alors des salves d’éclats de rires bons enfants et c’est Poulon qui conclut par :

- Soit le bienvenu, Baptiste… va chercher ton paquetage… tu dormiras à bord ce soir.

- Merci, euh… c’est quoi déjà le Prénom ? « À tes ordres, Commandant » ?…

Re-salves d’éclats de rires et, Poulon d’achever :

- Magne-toi ! On bouffera à 21 heures précises et on ne t’attendra pas. 

 

À mon retour, Bastien, l’hirsute blondinet, me fait visiter le bateau puis me conduit à ma cabine. Elle est très belle et, surtout, bien que faite pour quatre personnes, je l’occuperai seul. Pour cette transatlantique, nous ne serons que dix-huit à bord de ce trois mâts de trente mètres. Une aubaine : nous aurions pu être quarante-deux et cela me conduit à ne pas rechigner de devoir, durant une bonne heure, balayer, laver, dépoussiérer et désinsectiser avant d’envisager de déballer mon paquetage.

Après le repas et tard dans la nuit, ruisselant de transpiration, le cœur battant, je m’allonge sur ma bannette où, bercé par le souffle des Alizées, mon esprit s’envole avec les cliquetis des drisses de mâts pour rêver de ce désir de quarante ans qui devient une réalité.